Jean-Paul Delevoye veut donc pousser les salariés à travailler plus longtemps en introduisant un « âge d’équilibre » de départ assorti d’un dispositif de décote/surcote.
Les salariés auront donc la liberté d’arbitrer leur départ en retraite, une liberté totalement illusoire, puisque sous contrainte d’une pénalisation financière. Macron qui avait pourtant promis de ne pas toucher à l’âge de la retraite a donc trouvé par ce biais tordu le moyen de reculer l’âge de départ. Pour des générations de salariés nés après 1963, la perspective de la retraite s’éloigne donc aussi sûrement qu’elle l’a fait lors des précédentes réformes dites paramétriques.
Dire que l’âge légal reste à 62 ans, « c’est prendre les gens pour des imbéciles », a lancé Philippe Martinez.
« Nous avons joué le jeu, nous avons fait des propositions concrètes, et aucune n’a été retenue », a déploré le secrétaire général de la CGT qui dénonce une réforme qui pénalisera davantage les « carrières hachées ».
Par ailleurs, avec la fin de la prise en compte des 25 meilleures années chez les salariés du privé ou des six derniers mois dans la fonction publique au profit de l’ensemble de la carrière, les trajectoires ascendantes seront « particulièrement perdantes » selon la CGT des ingénieurs, cadres et techniciens.
Avec cette réforme dessinée par Delevoye, le patronat et le gouvernement ont en main les outils pour que les cotisations retraites ne progressent plus alors que les besoins de financement vont eux aller croissant. Actuellement, ces cotisations représentent 13,8 % du PIB et les libéraux rejettent toute idée de dépasser les 14 %. Or, avec le papy-boom et l’allongement de la durée de vie, notre pays comptera 35 % de retraités en plus d’ici 2050. Sans augmentation des recettes, c’est donc sur le montant de nos retraites que la réforme va permettre de jouer. Une fois ce système mis en place, plus besoin de réforme pour baisser les droits comme on l’a connu lors des précédentes réformes paramétriques.
C’est à cause d’une réforme comparable que les Suédois ont vu leurs pensions réduites de 7 %.
Elles ne représentent plus que 53 % de leur salaire de fin de carrière, contre 60 % en 2000. « Le Medef soutiendra les grands principes de cette réforme » a indiqué son patron, Geoffroy Roux de Bézieux, « saluant » son « ampleur ». On n’en attendait pas moins du patronat qui trouve là un écho à ses vieilles lunes. Car les premiers gagnants de cette réforme seront les banques et les assurances vers qui les générations d’actifs vont se tourner pour se constituer, quand ils le pourront et sans vraiment de sécurité, une épargne. La baisse programmée des pensions, et celles de l’encadrement en particulier, vise à généraliser les retraites par capitalisation comme complément de retraites.
La réforme Macron tranche le vieux débat entre répartition et capitalisation. Plus question de substituer une technique par une autre, il suffit de neutraliser la répartition en la cantonnant au minimum et d’inciter financièrement et fiscalement les salariés à constituer un bas de laine.